Mesures gouvernementales durables

J’ai le goût d’écrire sur un sujet qui dérive un peu de la mesure de performance mais qui traite quand même d’un sujet d’actualité qui est un (mauvais) exemple de développement durable.

J’ai vu cette nouvelle la semaine dernière qui annonçait qu’HydroQuébec (HQ) allait baisser ses tarifs d’électricité de 0,5% suite à une décision de la Régie de l’énergie. La nouvelle m’a surpris, principalement dans le contexte où l’on parle d’augmenter les tarifs dans d’autres secteurs comme les frais de scolarité, par exemple. J’ai trouvé des chiffres qui me laissent croire que de maintenir des tarifs d’électricité aussi bas était probablement une très mauvaise idée sur le plan de la durabilité.

Selon les états financiers d’HQ, les revenus de la société d’état en 2010 ont été de 12 338 millions de dollars. Ce qui veut dire qu’une baisse de 0,5% des tarifs se traduira par une baisse de plus ou moins 60 millions de dollars de revenus.

Tarifs des villes nord-américaines en comparaison avec Montréal
Autre donnée, selon un rapport d’HQ sur la comparaison des prix de l’électricité dans les grandes villes nord-américaines (2010), Montréal était la deuxième ville la moins chère en ce qui concerne le prix moyen de l’électricité au 1er avril 2010.

À la lumière de ces informations, je me suis demandé quels effets aurait une hausse des tarifs d’électricité au lieu d’une baisse.

Économique
Dans un scénario où HQ augmenterait ses tarifs au niveau de ceux de Winnipeg, soit la prochaine ville la moins chère après Montréal, des revenus supplémentaires de plus de 550 millions par année seraient générés. Au tarif du suivant, Vancouver, c’est un milliard supplémentaire. En poussant jusqu’à augmenter à la moyenne nord-américaine (qui est près du tarif de Toronto), HQ augmenterait de 8 milliards par année ses revenus.

Revenus d'HQ si le tarif était le même que dans d'autres villes
Conservons l’hypothèse d’une augmentation au tarif de Winnipeg. L’argument voulant qu’une augmentation de taxes aurait tendance à faire fuir les entreprises ou les personnes ayant les moyens de se déplacer n’est pas valide pour la simple et bonne raison que nous aurions toujours les tarifs les moins élevés.

Une augmentation des tarifs aurait potentiellement un effet dissuasif sur la consommation d’électricité des gens. Comme HQ Production vend à l’étranger les surplus d'électricité non utilisés par les Québécois à un prix environ 2,25 fois plus élevé que sur le marché local (1513M$/23,3TWh vs 4753/164,2TWh, Rapport annuel 2010, p.54-55), il est raisonnable de penser que les revenus supplémentaires seraient encore plus importants qu’en multipliant uniquement les revenus actuels par le pourcentage d’augmentation.

Environnemental
Une hausse des tarifs conscientiserait les gens à réduire leur consommation et à éviter plus le gaspillage en laissant des lumières allumées, en chauffant inutilement des pièces pendant la journée ou en prenant des douches chaudes trop longues. Comme la quasi-totalité de l’électricité produite par HQ provient d’énergies renouvelables « non polluantes », l’impact environnemental d’une diminution de la consommation ne se fait pas sentir principalement chez nous mais plutôt chez nous voisins. Comme ceux-ci produisent de l’électricité à partir de centrales nucléaires ou au charbon, si nous diminuons notre consommation, nous en avons plus à leur vendre, ce qui signifie qu’ils ont besoin de moins utiliser leurs centrales plus polluantes.

Aussi, à long terme, cette mesure ne pourrait qu’avoir un effet positif sur la sensibilisation et sur le comportement des gens envers le gaspillage, peu importe la ressource.

Social
La facture mensuelle moyenne d’un abonné résidentiel en 2008 était d’environ 100$. Une augmentation de 4,5% (pour atteindre le tarif de Winnipeg) demanderait donc un effort supplémentaire de 4,50$ par mois ou 55$ par année en moyenne par client résidentiel. Théoriquement, une personne ayant un appartement/maison plus grand consommera plus d’électricité. Et cette personne aura probablement plus de revenus. Donc l’augmentation serait très minime sur les ménages à faible revenu. De plus, une personne qui ferait l’effort de moins gaspiller l’électricité ne verrait presque pas la hausse.

Ce petit effort de plus par client générerait des surplus d’au moins 550 millions par année qui retournent directement dans le budget du gouvernement, pour être réinvesti dans les programmes sociaux par exemple.

Je voulais écrire sur ce sujet parce que je trouvais intéressant de comparer  l’ampleur des chiffres avec un autre sujet qui nous touche en ce moment les étudiants. Le but n’est pas de prendre part à pour ou contre une hausse de frais de scolarité, mais uniquement de mettre en perspective comment une décision économique et environnementale pouvait avoir aussi un impact social. L’enjeu en ce moment est de mieux financer le système d’éducation. Pour y arriver, on demande un effort aux étudiants sur leurs frais de scolarité afin d’aller chercher un peu moins de 300 millions supplémentaires par année, soit la moitié des revenus que pourraient engendrer une hausse des tarifs au niveau de Winnipeg. La mesure sociale d’améliorer le système d’éducation pourrait donc être prise de manière durable, soit en la finançant avec une mesure à la fois économique et environnementale.

*** Mise à jour depuis la publication originale
Comparaison de méthodes alternatives pour financer les universités

1 commentaires:

Stéphane a dit…

À titre informatif, on peut aussi comparer avec les prix en Europe (http://www.econologie.com/forums/public2/prix_electricite.jpg). En considérant que les prix datent de 2006 et qu'ils sont en Euro (en 2006, 1€ = ±1,40$CA), on peut facilement affirmer que nous avons les tarifs d'électricité les plus bas en Amérique du Nord et Europe.